Livraison et dernier km : comment gérer les contraintes des ZFE ?

Livraison et dernier km :
comment gérer les contraintes des ZFE ?

Légal
12 novembre 2020

Vers une interdiction généralisée de circuler pour les véhicules thermiques ?  

C’est ce que laissent à penser les derniers objectifs fixés par un nombre croissant de pays européens.

En France, les véhicules Crit’Air 4 et 5 n’ont plus le droit de circuler depuis la création d’une ZFE (Zone à Faibles Émissions) dans la Métropole du Grand Paris. Dès 2024, cette interdiction sera étendue à tous les véhicules Crit’Air 2 et plus, soit 74% du parc francilien actuel. D’ici à 2030, 99% du parc automobile francilien actuel seront en incapacité de circuler dans la capitale, puisque seule la vignette Crit’Air 0 y sera acceptée

Des réglementations semblables pourraient bientôt s’étendre à d’autres métropoles françaises, mais également en Europe où de nombreuses initiatives similaires ont déjà vu le jour. Pourtant dans le même temps, les services de livraison sont en plein essor : on constate un développement inédit de l’offre e-commerce, tandis que les magasins physiques sont de plus en plus délaissés, en particulier dans le contexte actuel de la pandémie de covid-19.

Avec l’intensification des livraisons, notamment en zone urbaine, il est nécessaire de s’interroger sur les solutions qui permettront leur continuité, malgré un contexte réglementaire de plus en plus contraignant.

I- Tour d'horizon réglementaire

A) En France

La ZFE est un dispositif ayant pour but de réduire la pollution atmosphérique en ville, en mettant en place un certain nombre de restrictions de circulation pour les véhicules les plus polluants. Elle concerne des zones géographiques urbaines étendues dans lesquelles l’amélioration de la qualité de l’air est une priorité sanitaire (la pollution atmosphérique causant 6 600 décès prématurés par an dans la Métropole du Grand Paris).

En fonction de l’indice de qualité de l’air, la circulation n’est autorisée qu’à certaines catégories de véhicules. Ces derniers sont classés en fonction de leur année de production, de leur source d’énergie, et des normes européennes d’émissions de polluants auxquelles ils répondent, pour déterminer s’ils ont droit de circulation.

Le cas de la métropole du Grand Paris

En France, la loi de Transition Énergétique pour une Croissance Verte (TECV) promulguée en août 2015 donne aux territoires et communes les outils de pilotage pour lutter contre la pollution issue du trafic routier. Des mesures peuvent alors être mises en place au niveau local.

La Métropole de Paris est le premier exemple de mise en place d’une ZFE, dès 2015. Les automobilistes circulant dans le périmètre de la petite couronne doivent apposer sur leur véhicule la vignette Crit’Air. Les jours de semaine, de 8h à 20h, la circulation n’est possible qu’aux véhicules les mieux classés. D’emblée, la métropole interdit la circulation aux poids lourds, autocar et autobus antérieurs à la norme Euro 3 (1er octobre 2001). Deux ans après, en 2017, les interdictions de circulation s’étendent aux véhicules particuliers et véhicules utilitaires légers antérieurs à la norme Euro 2 (1er janvier 1997). Les deux roues motorisés sont également concernés s’ils sont antérieurs à la norme Euro 1 (1er juin 1999). En cas de pic de pollution au sein de la zone géographique concernée, la Métropole de Paris durcit le dispositif, et n’autorise la circulation qu’aux vignettes Crit’Air 1, 2 et 3.

Dans l’optique d’interdire la circulation des véhicules thermiques d’ici 2030, la Métropole de Paris a présenté un rétroplanning des interdictions de circulation :

  • Depuis le 1er juillet 2019, les véhicules non classés et classés Crit’Air 5 n’ont plus la possibilité de circuler à l’intérieur du périmètre de l’A86.
  • En 2021 seront interdits de circulation les véhicules classés Crit’Air 4, puis en 2022 viendra le tour des véhiculés classés Crit’Air 3.
  • Enfin, les véhicules classés Crit’Air 2 et 1 seront respectivement bannis en 2024 et 2030.
  • Resteront alors les seuls véhicules classés Crit’Air 0 : véhicules 100% électriques et hydrogène
Infographie périmètre de la zone à Faibles Émissions Paris Ile de France

Selon l’Observatoire Régional de Santé Ile-De-France, les effets positifs d’une ZFE bien réels : les habitants sont moins exposés à la pollution atmosphérique, et cela engendre des bénéfices sanitaires pour la population. 

L’instauration d’une zone à faible émissions permet en effet de réduire de façon significative les substances polluantes émanant du fonctionnement des véhicules thermiques (monoxyde de carbone, oxyde d’azote, dioxyde carbone…). Le nombre de décès et de pathologies chroniques, comme l’asthme, est directement impacté par ces mesures. Le constat est encore plus vrai dans le périmètre restreint de la ville de Paris, où les automobilistes ont la possibilité d’utiliser les transports en commun plutôt que leur véhicule thermique. En plus des effets positifs mesurables, l’Observatoire évoque d’autres bénéfices à prendre en compte comme la diminution du bruit, du stress, ou encore l’augmentation de l’activité physique journalière.

Ailleurs en France

Neuf autres métropoles ou grandes villes sont concernées en France. Depuis l’application d’un décret sur le non-respect de manière régulière des normes de qualité de l’air en septembre 2020, sept métropoles de France rejoignent Paris, Lyon et Grenoble où les restrictions sont déjà en place. 

Les conditions de circulation à Paris, Lyon et Grenoble reposent tous les trois sur le principe de la vignette Crit’Air. Si le principe n’est pas encore clairement défini pour les sept nouvelles métropoles, il devrait être similaire. Les ZFE seront plus nombreuses dans les années à venir, en témoignent les métropoles engagées dans la réflexion d’une mise en place prochaine. Parmi elles, La Rochelle, Annecy, Reims ou encore Lille.

Infographie périmètre de la zone à Faibles Émissions reste de la France

B) En Europe

La France ne fait pas cavalier seul dans la mise en place de Zone à Faibles Émissions et autre politiques restrictives de circulation. La majorité des pays européens ont déjà pris des mesures pour interdire les véhicules polluants en centre-ville.

Des années avant l’instauration de la première ZFE à Paris, une dizaine de pays avaient déjà restreint la circulation de véhicules considérés comme trop polluants dans les centre-villes de leur métropoles.

Infographie périmètre de la zone à Faibles Émissions en Europe

Les mesures de restriction de circulation s’inscrivent parfois dans une politique écologique et sanitaire à l’échelle nationale, et sont une première étape vers l’interdiction de circulation des véhicules thermiques sur tout le territoire, puis vers l’interdiction de leur vente.

Évolution du nombre de zones à faibles émissions en Europe
Tableau - vers l'interdiction totale de circulation et de vente pour les véhicules thermiques en Europe

II- Les solutions démocratisées

Pour s’adapter à ces multiples contraintes réglementaires et environnementales, les professionnels ont accès à différentes solutions. Celles-ci vont du remplacement ou de l’adaptation de leurs véhicules actuels jusqu’à l’adoption de nouvelles mobilités. 

Chacune de ces options comporte des coûts et des avantages que nous vous exposerons ci-dessous.

A) Transition électrique et rétrofit

La première solution accessible aux professionnels est de faire le choix d’électrifier leur flotte automobile. Cette solution est particulièrement adaptée aux enjeux de livraison ou d’intervention à l’échelle urbaine, ou sur des distances inférieures à 200km/jour.  Il s’agit également d’une solution aisée à mettre en place, car elle demande peu de conduite du changement. 

Pour électrifier leur flotte, les professionnels disposent de 2 alternatives : 

L'achat ou la location longue durée

Afin de réaliser leur transition électrique, les professionnels peuvent choisir de se séparer de leurs véhicules au profit de véhicules électriques neufs (à l’achat ou en leasing). Bien que les professionnels puissent bénéficier d’une prime à la conversion et d’un bonus écologique, il convient de noter que l’achat d’un véhicule électrique neuf représente un coût important. 

Le rétrofit électrique

Pourquoi acheter des véhicules neufs lorsque l’on possède déjà des véhicules adaptés à son activité ? 

Depuis quelques années, des acteurs comme TOLV proposent aux professionnels de convertir leur flotte actuelle à l’électrique. Par un procédé de rétrofit, ces derniers peuvent transformer leurs véhicules thermiques existants à l’électrique.

Cette solution présente un double intérêt : réduire l’investissement nécessaire à l’acquisition d’un véhicule électrique, et réduire les ressources employées à la fabrication d’un véhicule électrique. En outre, elle permet aux professionnels de conserver leurs véhicules d’origine, qui comportent souvent des équipements et aménagements coûteux à installer (étagères, dispositions particulières pour le transport de matériel…).

EXEMPLE

Depuis la légalisation du rétrofit en France le 4 avril 2020, un nombre grandissant de professionnels et de collectivités territoriales font le choix de convertir leurs véhicules thermiques existants à l’électrique. 

C’est par exemple le cas de la ville de Grenoble, qui a choisi de confier à TOLV le rétrofit d’un de ses véhicules utilitaires de la marque Renault. Les agents de la ville se relaient actuellement pour tester le véhicule. Si celui-ci correspond à leurs attentes, la collectivité pourrait bientôt faire le choix de convertir plusieurs dizaines de ses véhicules utilitaires en véhicules 100% électriques.

La ville a par ailleurs annoncé la mise en place d’une subvention pouvant aller jusqu’à 6000€ pour les entreprises souhaitant rétrofiter leur véhicule. Au total, les professionnels de la Métropole Grenoble-Alpes pourront donc bénéficier d’un montant allant jusqu’à 11 000€ en additionnant cette subvention locale à la prime au rétrofit électrique déjà proposée par l’Etat. 

B) Les mobilités douces

Au-delà de cette transition électrique, de plus en plus d’acteurs se sont intéressés au concept de mobilité douce, terme qui englobe les modes de déplacements basés sur l’utilisation de la force musculaire (vélo, marche, trottinette, roller,…). Ce sont des modes de déplacement respectueux de l’environnement et non émettrices de CO2. 

Ce concept de mobilités douces offre une perspective particulière sur l’adoption de nouveaux modes de déplacement et d’intervention pour les professionnels qui opèrent en milieu urbain. En effet, ces modes de déplacement, à la fois propres, silencieux et adaptables, sont une alternative certaine aux modes de déplacement traditionnels. 

L’adoption de cette solution est particulièrement adaptée aux professionnels exerçant en centre-ville (par exemple, les petits commerçants qui souhaitent assurer un service de livraison de proximité). 

Cela étant dit, l’adoption de la mobilité douce pour les déplacements professionnels requiert de développer l’adhésion des salariés de l’entreprise, et d’adapter leur utilisation aux ressources disponibles (temps, ressources humaines…). 

EXEMPLE

De nombreuses entreprises ont progressivement remplacé une partie de leur flotte de véhicules utilitaires par des vélos cargos. Parmi elles, on peut citer des acteurs de la grande distribution comme E-Leclerc, Carrefour ou encore Franprix, qui ont été parmi les premiers à expérimenter la livraison en centre-villes via des vélos cargos. Certains acteurs vont même plus loin, à l’instar de Monoprix qui vise à terme à bannir les camionnettes des centre-villes pour n’utiliser que la livraison à pied ou en vélo cargo. 

Des initiatives qui se retrouvent également chez les transporteurs et les sociétés de services (initiative Cycloplombier à Paris ou encore Elecàvélo à Nantes).

III- Les solutions émergentes

Au-delà de ces solutions déjà démocratisées sur le terrain, de nouvelles solutions émergent progressivement pour répondre aux contraintes réglementaires et opérationnelles. 

A) Les drones, un mode d'intervention innovant

Parmi ces solutions émergentes, les professionnels peuvent choisir d’adopter l’utilisation de drones. Si ceux-ci sont particulièrement adaptés aux livraisons, ils montrent toutefois leurs limites dans le cadre d’autres opérations. En outre, leur impact environnemental demeure difficilement mesurable, et un encadrement réglementaire reste à construire. 

Encore peu développés, les modes d’intervention innovants demeurent aujourd’hui relativement chers, mais les nombreuses expérimentations en cours devraient faciliter leur adoption dans les années à venir.

EXEMPLE

De nombreux projets d’utilisation des drones dans le cadre de livraisons à domicile peuvent être cités. 

Parmi eux, le projet Prime Air d’Amazon, lancé dès 2013 aux Etats-Unis. L’objectif : arriver à livrer des colis allant jusqu’à 2,2 kilos (5 pounds) au domicile de particuliers, le tout en moins de 30 minutes. La première livraison Prime Air a eu lieu avec succès en Angleterre le 7 décembre 2016. 

Depuis, le projet suit son cours, avec l’obtention récente d’un certificat de la FAA américaine (Federal Aviation Administration), certificat déjà obtenu dès 2019 par Wing (Alphabet) et UPS pour des projets similaires. 

B) Véhicules à hydrogène

Les professionnels peuvent également se tourner de nouvelles motorisations à hydrogène. Camions de livraisons, voitures, vélos et mêmes avions, l’hydrogène peut être appliqué à un large éventail de moyens de transports et se place comme une réelle alternative aux énergies actuelles.

Parmi les avantages que présente l’hydrogène : un rendement énergétique plus élevé que celui de l’essence, des ressources inépuisables puisqu’il s’agit de l’élément le plus présent dans l’univers, et une consommation qui n’engendre pas d’émissions de gaz à effet de serre.

Toutefois, la production de dihydrogène n’est pas optimale : aujourd’hui,  96% de l’hydrogène est produit à partir d’énergies fossiles. C’est également une technologie relativement jeune, qui pose de nombreuses questions (durée de vie de la pile à combustible, utilisation de métaux rares, inflammabilité et explosivité…). Autants d’éléments qui peuvent aujourd’hui freiner l’adoption de l’hydrogène à large échelle, d’autant plus que le nombre d’infrastructures de recharge en France est très faible. 

Conclusion

En conclusion, la multiplication des Zones à Faibles Émissions représente un réel défi pour les professionnels, qu’ils soient gestionnaires de flottes, services de livraisons ou artisans. Face à des conditions de circulation de plus en plus restrictives, ces derniers doivent changer leur mode de déplacement.

Finalement, vers quelle(s) solution(s) les professionnels doivent-ils se tourner pour gérer les contraintes des ZFE dans un contexte de livraison en centre-ville ? 

Le choix doit en réalité s’effectuer au regard de plusieurs paramètres : 

  • L’usage qui est fait du véhicule 
  • Le coût à l’achat 
  • Le Total Cost of Ownership (TCO), qui prend en compte le prix d’achat, mais aussi les charges opérationnelles

Vous trouverez ci-dessous une comparaison des différentes options : 

Tableau comparaison des différentes options (véhicule électrique neuf vs véhicule rétrofité vs mobilité douce) et comparaison Coût et TCO
Comparatif des différents types de mobilités placés sur un graphique avec un axe 'Changement d'usage' et un axe 'Investissement nécessaire'. Le rétrofit est la meilleure alternative

Enfin, afin d’aider les professionnels et faciliter leur transition vers des modes de déplacement plus propres, les gouvernements européens et les collectivités locales agissent sous formes d’incitations ou d’aides financières.

En France par exemple, l’Etat offre jusqu’à 5000€ par véhicule rétrofité. Les entreprises des métropoles de Grenoble-Alpes et du Grand Paris peuvent cumuler cette prime avec les aides locales, respectivement 6000 et 2500€.


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Cet article a été rédigé en partenariat avec Transport Shaker, le blog des consultants Wavestone qui mettent leurs expertises au service des professionnels et passionnés du secteur des transports. TOLV est accéléré au sein de Shake’Up, le catalyseur d’innovation de Wavestone.  

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